27/10/2009

Il faut bien commencer un jour…

Depuis le début de mon blog, je parle de mes expériences récentes, et j’essaie de prendre un peu de recul sur ce que je vis en tant qu’entraineur, ou comment je vois les choses.

Mais jusqu’ici, je n’ai pas pris le temps de raconter comment j’ai mis le pied à l’étrier, et ce qui a fait naître en moi une vocation.

Basketball coach perception

Pour beaucoup d’entraineurs, qui commencent jeunes, la première expérience est déterminante. Si l’on passe une bonne saison, on a envie de continuer, si ça se passe mal, on passe vite à autre chose.

Comme beaucoup, j’ai voulu rendre service à mon ancien club en participant à l’encadrement d’équipes.

A cette époque, j’étais jeune senior, et je venais de laisser tomber l’arbitrage, qui n’était décidemment pas fait pour moi.

Les dirigeants m’ont donc proposé de prendre en charge l’équipe minimes filles du club, qui n’avaient pas d’entraineur pour la saison. Elles avaient commencé tout début septembre avec un entraineur intérimaire, dans l’attente de trouver quelqu’un de fixe.

Nous étions en 1996, j’étais étudiant sur Toulouse, donc en vacances à cette période, et disponible les week-ends (comprendre week-end d’étudiant : du vendredi au lundi inclus) pour encadrer le groupe.

Les entrainements avaient donc lieu le lundi et le vendredi soir, et les matchs le samedi après-midi.

C’est ainsi qu’à la mi-septembre, je fus présenté au groupe.

C’était un lundi soir. Les filles arrivaient une par une dans le gymnase pendant que je parlais avec l’entraineur que j’allais remplacer. Il me faisait un petit topo du groupe.

Un groupe dont personne ne voulait d’ailleurs. J’allais comprendre rapidement pourquoi.

Au fur et à mesure des arrivées, et donc du début de l’entrainement, j’avais le ventre qui se nouait (ma fameuse boule au ventre), et j’appréhendais la suite (mais qu’est-ce que je fous là ? vais-je être à la hauteur ?). Bref, la pression monte, mais c’est trop tard, j’étais au pied du mur.

Nous avions convenu que l’entraineur intérimaire faisait une dernière séance avant de me passer le relais de manière définitive. Je n’avais donc rien à préparer pour ce soir-là.

Il a réuni toutes les joueuses dans le rond central avant le début de la séance, m’a présenté et a démarré l’échauffement.

Je ne me rappelle que de cette partie de l’entrainement… Et pour un début, mes interventions ne volaient pas bien haut !

Pour l’échauffement, les filles avaient été disposées en deux colonnes sur la ligne médiane et tournaient comme en échauffement de match (mouais, ce n’était pas très recherché). Je me suis placé sous le cercle, et alors que les filles effectuaient leur double-pas avec plus ou moins de succès (leur niveau n’était pas exceptionnel), j’y allais de ma « consigne » :

 « bien ! » sur un panier marqué, « dommage ! » sur un échec.

Voilà, c’est à peu près tout…

Une première avec un groupe, fallait bien commencer un jour.

Alors cette équipe de minimes filles, c’était quoi ?

Des joueuses nées en 1982 ou 1983 (ça ne nous rajeunit pas, hein ?). Deux joueuses intérieures d’au moins 1m70, et des pin’s sur les autres postes. Un niveau moyen, pour une équipe engagée en championnat départemental.

Mais ce qui caractérisait cette équipe, c’était surtout le caractère fort des joueuses, et l’absence de parents pour accompagner.

Ce dernier point n’est pas anodin, il montre bien que les filles avaient besoin d’un cadre, qu’elles ne trouvaient pas toutes dans leur milieu familial. Sauf que du haut de mes 19 ans, je n’étais pas forcément à même d’assurer ce cadre, par jeunesse ou inexpérience. Mais il fallait bien…

Parmi les joueuses phares, il y avait Marjorie, la capitaine. C’était un petit gabarit, mais une grande gueule. Pas facile à gérer, on me l’avait présenté comme étant impossible à coacher. Elle n’avait peur de rien, certainement pas des adultes. Pour preuve, il m’a fallu un jour la retenir de traverser le terrain pour frapper un gars dans le public…

Elle sortait à l’époque avec un gars âgé d’un an de plus que moi, qui l’accompagnait aux entrainements et aux matchs dans sa splendide renault 5 jaune tunnée.

Il y avait également les jumelles Emmanuelle et Julie, qui s’étripaient entre elles à la moindre occasion.

Ingrid était le « bœuf » de l’équipe. Costaude, elle n’hésitait pas à distribuer les coups lorsqu’elle était dépassée (souvent). Elle menait le jeu, et cassait la planche sur chacune de ses tentatives de shoot. Sa meilleure copine, Magalie, n’était pas spécialement une bonne joueuse, et elle compensait son manque de talent par un surplus d’agressivité…

Séverine et Karine étaient les deux intérieures de l’équipe, précieuses mais effacées.

Quelques autres joueuses complétaient l’équipe, mais leur apport comme leur caractère ne m’ont pas marqué plus que cela.

Et nous voilà partis dans cette folle saison, où le basket fut bien secondaire. Je ne me rappelle plus des matchs en eux-mêmes, si ce n’est que nous finissons en milieu de tableau de l’excellence départementale, mais bien des à-côtés. Et qu’il y a en eu des moments difficiles !

Comme je l’ai dit précédemment, les filles étaient livrées à elles-mêmes. Les parents n’accompagnaient pas lors des déplacements. Etant donné que nous étions isolés au sud du département, nous venions sur Toulouse pour jouer un week-end sur deux, soit une heure de route minimum, le club me laissait donc à disposition un vieux minibus tout pourri. J’étais jeune conducteur au volant d’une carcasse, avec une huit mineures comme passagers… Chaque déplacement était une vraie source de stress !

Je me souviens de quelques anecdotes pas piquées des vers lors des matchs :

Alors que nous étions en déplacement, je remplissais la feuille de match avec les licences de mes joueuses pendant qu’elles s’échauffaient. Une fois ma tâche effectuée, je regagne le banc et regarde mon équipe… Il en manquait trois !

En jetant un œil dehors, je les surprends en train de fumer des clopes… Bien entendu, en me voyant, elles sont parties en courant. Et me voilà en train de jouer au chat et à la souris à un quart d’heure du match.

Une autre fois, à domicile, ces trois même joueuses arrivent en retard. En leur faisant la bise, je me rends compte que leur haleine sentait l’alcool à plein nez…

Bref… Chaque match (et encore je ne parle pas des entrainements) était sujet à une leçon de morale, un recadrage…

Et des choix qui nous coutaient des victoires. Mais sans regrets. Lors de ces incartades, je n’hésitais pas à sortir des joueuses du cinq de départ, voire de les laisser sécher sur le banc tout le match, comme la fois où trois d’entre elles sont arrivées bourrées.

Il m’était difficile de prévenir les parents, pour plusieurs raisons :

–          j’étais jeune et inexpérimenté, et surtout dépassé par des situations familiales complexes, et j’avoue que je ne me sentais pas capable de faire le lien avec les parents

–          ces mêmes parents brillaient par leur absence. Les seuls parents que je voyais étaient ceux dont les filles avaient des comportements exemplaires

–          Je pense que je redoutais aussi les réactions des parents, non pas vis-à-vis de moi, mais plutôt de leur fille, dans le cas de l’une d’entre elles.

Qu’il était difficile d’entrainer dans ces situations-là ! J’ai pourtant essayé d’apporter quelque chose au groupe, en cherchant à maintenir un cadre qu’elles ne manquaient pas d’essayer de faire voler en éclat à la moindre occasion !

A la fin de l’année, qui fut épuisante, les filles ont tenu à faire un repas dans la pizzeria de Salies, pour me remercier. C’est à cette soirée que l’une des jumelles, après un énième conflit avec sa sœur a décidé de fuguer !

Nous avons du passer plus d’une heure à arpenter le village pour la retrouver… Quel stress !

Et pourtant, ces filles m’ont écouté, m’ont fait confiance, m’ont respecté. Cette expérience m’a beaucoup fait grandir, non pas en tant qu’entraineur, mais en tant qu’éducateur.

Même si je n’adopterais pas la même posture qu’à l’époque dans une situation similaire, cette année m’a fait grandir. J’ai pris la responsabilité d’un groupe pour la première fois de ma vie, un groupe qui n’était pas facile à gérer par ailleurs et je m’en suis sorti avec les honneurs.

Ma plus grande fierté, c’est lorsque je croise l’une de ces joueuses plus de dix ans après, et qu’elle se rappelle de moi pour ce que je lui ai apporté. Là il ne s’agissait pas de basket, mais bien d’un cadre.

Suite à cette expérience, je suis parti sur d’autres projets où j’ai pu me consacrer sur l’aspect technique et tactique du basket, avec des joueuses qui rentraient automatiquement dans un « cadre », et avec des parents présents. Mais je ne regrette certainement pas cette première année d’entraineur, même si elle n’a pas été de tout repos, car elle m’a tellement apporté !

Si je n’ai pas évolué en tant qu’entraineur, je l’aurais fait en tant que personne, et c’est bien là le plus important.

Une vocation était née…

Publié par Frank Cambus

Passionné de basket, collectionneur à mes heures, j'empile les magazines et livres de basket autant que Jojo enfilait les paniers ou Stockton les passes... Il est temps de les ressortir et de les partager!

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