Le basket masculin n’a pas toujours été à la fête en Midi-Pyrénées, où peu d’équipes ont évolué au plus haut niveau, à l’inverse du basket féminin. Outre Toulouse, Mirande et Tarbes, nous retrouvons d’autres clubs à avoir représenté la région dans l’élite française, dont les Serènes de Lunac, entre 1992 et 1995.

Serenes de Lunac

Lors de la saison 1982-1983, les Serènes se sont déplacées en Normandie pour affronter la formation de Rouen./Photo DDM

Un article de Stéphane Hurel, paru dans la Dépêche du Midi du 2 mai 2011 à l’occasion des 40 ans du club retrace un parcours atypique, menant ce petit club de village aveyronnais parti de rien au plus haut niveau:

Parti de rien, le club de basket féminin de Lunac (450 habitants) parviendra à disputer durant quatre saisons le championnat de France de nationale 1 A, soit le plus haut niveau français.

Il y a quarante ans, le jeune médecin de Lunac, Jean-Marie Santucci, se trouva confronté à un sérieux problème. Régulièrement, les mères de famille de la petite commune de 450 habitants se plaignaient de l’ennui de leurs filles. Niché au cœur de la ruralité aveyronnaise, Lunac était pauvre en divertissements. Pour le jeune médecin, l’équation était compliquée. « J’ai eu l’idée de leur proposer un sport, le basket. Je ne connaissais rien à cette discipline. Je savais simplement qu’il fallait peu de joueuses. Cela tombait bien car nous avions peu de jeunes filles en âge de jouer ensemble ».

L’idée est bonne mais il manque l’essentiel, un ballon, un terrain, des paniers, des principes de jeu. « Nous avons commencé par aller ramasser des champignons et des châtaignes pour les vendre », raconte une ancienne joueuse. « Le gain de ces ventes nous a permis d’acquérir un ballon ». De plus, Jean-Marie Santucci ajoute l’acquisition du livre le « Que sais-je du basket ? »

« J’ai découvert dans ce livre les principes de ce sport afin de réaliser les premiers entraînements ». La place du village est annexée en terrain de basket, un forgeron fabrique les paniers. Là, les filles, sous la dictée des conseils du « Que sais-je du basket ? », apprennent les bases de leur sport. Au préalable, le docteur a organisé une préparation psychologique.

« J’ai réuni les filles en leur demandant les raisons pour lesquelles on pourrait s’abstenir de venir à l’entraînement. Les réponses ont été une grave maladie, la mort d’un proche. En dehors de ces raisons, l’entraînement était obligatoire ». Dans sa tête, Jean-Marie Santucci a un rêve secret: un jour, en Coupe d’Europe, Lunac jouera contre Moscou !

Les grands débuts

« On disputait nos matchs le dimanche sur la place de l’église », se souvient Josiane Vaur, une joueuse du début qui terminera sa carrière au plus haut niveau français. « La sortie de la messe était toujours un moment important car nous avions alors un nombreux public pour nous soutenir et terminer nos matchs ». Lunac gagne, les filles s’entraînent comme des folles, ne s’ennuient plus chez elles.

D’ailleurs, Jean-Marie Santucci a pensé à tout. « Il nous avait demandé de fixer dans la cour de ferme de nos parents des panneaux de basket pour travailler nos tirs ».

À Lunac, les filles enfilent les paniers comme d’autres pointent un fil dans le chat d’une aiguille. Lunac monte de division. Un entraîneur, Georges Touboul, arrive. Jean-Marie Santucci s’occupe du suivi scolaire des joueuses, s’attache au recrutement. C’est un manager avant l’heure.

« Un jour, il est allé en vacances en Martinique. Allongé sur le sable, il voit passer devant lui une fille de 1,90m. Il s’approche d’elle, lui demande si elle veut venir jouer au basket à Lunac. La fille accepte. Quand elle est arrivée, on n’avait jamais vu une fille aussi grande. Elle ne savait pas bien jouer mais elle a vite compris. Avec elle on a gagné plein de matchs. Jean-Marie Santucci l’a accompagnée dans ses études. Elle a joué ensuite dans un grand club parisien ».

Les résultats faisant, une salle est construite. Lunac évolue dans les premiers niveaux de la Nationale féminine. « Notre salle était toujours humide. Le sol glissait, il nous est arrivé de jouer avec des chaussettes recouvrant les chaussures pour ne pas glisser. Aujourd’hui, tout cela serait interdit ».

Mais à Lunac, il n’y a que des solutions.

Pour gagner de l’argent, les mères des joueuses qui s’ennuyaient sont entraînées dans une aventure à plein temps. « J’ai proposé à toutes ces mères de monter une conserverie de foie gras ». Ainsi, le soir, par brigade et à tour de rôle, les mères des joueuses entament une seconde journée de travail. « Sans les efforts de toutes nos mères, cette aventure n’aurait jamais existé ».

Le plus haut niveau

Aussi, au début des années 1990, Lunac entre dans la cour des grandes. « On a été repêché pour évoluer en Nationale 1 A ». Le président Jean-Marie Santucci accepte le défi avec le soutien de son entraîneur professionnel, Jean-Paul Pupunat. Des filles venues de l’étranger arrivent comme les Américaines Beth Hunt ou Sheila Smith. « Lorsque je suis allé chercher Beth à l’aéroport de Toulouse, se souvient Jean-Paul Pupunat, on a pris l’autoroute, puis la nationale, puis une départementale, puis une toute petite route. Elle se demandait où je l’emmenais ? »

C’est aussi le cas des joueuses visiteuses dont le bus s’est trouvé maintes fois bloqué dans les ruelles du village. Lunac gagne, reste quatre ans au plus haut niveau français. Le public vient en nombre dans le gymnase de poupées. Les soirées de basket à Lunac sont belles, enflammées. « On avait fait le parquet de la salle nous-mêmes. On s’investissait dans la vie du club au maximum », assure Josiane Vaur. Pour les matchs à l’extérieur, les filles attendaient que le docteur Jean-Marie Santucci ait fini ses consultations pour partir. « Le Doc montait dans la malle du véhicule, se couchait sur les sacs, dormait ».

L’histoire se brisera sur deux contrôles fiscaux consécutifs venant tuer le club. Amer, Jean-Marie Santucci quitta Lunac quelque temps plus tard. Les archives du club furent oubliées dans une maison dont le nouveau propriétaire s’en estime le dépositaire. Lentement, les histoires de basket s’en allèrent au fil des eaux de la Serène qui traverse la commune. Lunac ne joua jamais en Coupe d’Europe contre Moscou.

Stéphane Hurel

Pour se développer, se structurer, et monter les échelons, il n’y a pas de secret, il faut de l’argent. Comme en témoigne Stéphane Hurel dans son article, les mères des joueuses ont dû se retrousser les manches et créer une conserverie de foie gras! Ce mariage sport/industrie fera même l’objet d’un sujet du 20h de PPDA en 1980:

Ce parcours atypique mérite d’être souligné, il témoigne de la force du terroir, de l’investissement et de la passion des gens. Une bien belle histoire du Sud-Ouest.

Publié par Frank Cambus

Passionné de basket, collectionneur à mes heures, j'empile les magazines et livres de basket autant que Jojo enfilait les paniers ou Stockton les passes... Il est temps de les ressortir et de les partager!

Un commentaire

  1. […] Le docteur Santucci a découvert le basket en créant la section dans le petit village de Lunac (450 habitants). La réussite du club est indissociable de l’engagement du docteur Santucci. […]

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